Maridan-Gyres

Je me souviens de ta grande armoire. Celle de la Sauvain, dans laquelle tu rangeais les draps que tu avais brodés ainsi que les couvertures pour l’hiver. Je me souviens aussi des livres que tu me lisais le soir pour que je m’endorme paisiblement.

J’aimais l’odeur de ce linge que tu portais au lavoir où avec tes amies vous battiez les draps en chantant en cœur des chansons disparues aujourd’hui, mais qui me mettent le cœur en fête dès que parfois j’en entends une fredonnée par une mamie qui attend ces petits enfants.

Les temps ont changé, ma douce mamie, les hommes sont devenus fous. Ils ne savent plus apprécier le soleil qui se lève en illuminant l’horizon d’une nouvelle journée. Leurs pensées restent bloquées au plafond de leurs angoisses et de leurs désirs toujours plus grands pour des biens de consommation inutiles.

Le moindre nuage les affole, comme si, ils oubliaient, qu’ils sont les seuls maîtres de leurs destins. Qu’importe l’argent, les bijoux ? Est-ce que cela peut rendre heureux ? Foutaise !

Moi, je ne possède ni maison, ni office avec des domestiques à mon service. Je n’ai besoin que d’une table pour manger, mais elle peut être faite de bric et de broc. Elle me permettra de manger, de pratiquer divers jeux avec les personnes que j’aime. Je pourrai y classer les divers dessins réalisés par mes petits bouts de chou. La frapper en cadence avec eux et entamer des chants cacophoniques qui nous poussent à rire en cœur. Prendre un panier de pique-nique et nous balader à travers les champs et les bois pour leur apprendre ce qui est essentiel dans la vie, loin du brouhaha des villes tentaculaires et inhumaines. Bref, me servir de tout ce que tu m’as appris ma chère mamie pour faire en sorte que j’aime la vie bien au-delà de ce que l’argent peut offrir. Tu as disparu lorsque j’avais treize ans et aujourd’hui encore tes enseignements me servent de guide.

Je t’aime

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