L'amour volé
La jeune fille est belle, trop belle pour être honnête, disent les vieilles du village. Trop belle pour ne pas susciter la convoitise chez les jeunes mâles, disent les vieux. Alors le père décide de la marier et vite ! Nombreux sont les jeunes à se présenter à l’austère patriarche. Mais aucun ne lui sied.
Tant mieux songe la fille, car elle, elle en aime un qui ne pourra jamais être présenté à son père, car il est chrétien. Eux, ils sont musulmans, mais que sont leurs religions face à la dictature de leurs cœurs épris ? Elle a décidé de faire ce qu’aucune femme du village n’a jamais osé faire avant elle. Elle va se donner au chrétien, dans sa foi à lui. Un jour, où son père et ses frères sont à la mosquée, elle part discrètement rejoindre celui qu’elle aime tant dans le village voisin. Ses parents, à lui, l’accueillent et la bénissent. Puis, ensemble, ils partent voir le curé qui les unit avec les parents pour témoins. Après un délicieux dîner de mariage, les parents se retirent et rentrent chez eux. Les jeunes époux rejoignent la chambre nuptiale et passent toute la nuit à s’aimer. Le lendemain, ils quittent la région et rejoignent un oncle du jeune marié installé en Provence.
Au matin, dans le village voisin, toute la population raconte le chagrin du père qui a cherché toute la nuit sa fille chérie. Les frères, les amis de la famille, tous les hommes de la bourgade ont cherché en vain, la belle disparue. Au bout de quelques mois, les recherches sont abandonnées. Ne reste plus que la honte sur la famille.
Pendant ce temps, la fille a donné naissance à des triplés. Pierre, Moïse et Mohamed, comme si par le choix des prénoms, elle avait voulu réunir toutes les religions. Ces enfants rassembleront, ils ne diviseront pas ! Elle pense, la malheureuse, que le père sera heureux de la savoir bien mariée et heureuse. Que lui sera fier d’être trois fois grand-père !
Elle part avec son époux et ses enfants rendre visite à sa famille. Arrivée chez ses parents, son père ouvre la porte et la voit. De colère, il la maudit et ses trois nouveaux nés deviennent statues de pierre blanche. Ces frères tuent son mari et la conduisent à sa mère.
Depuis, trois anges de pierre gardent la maison du patriarche. Leur mère, triste veuve, est devenue l’esclave de la maison, la domestique de ses parents. Dans le village, on raconte la malédiction de la musulmane qui voulait devenir chrétienne et qui désormais est prisonnière de ses enfants de pierre.
Maridan Gyres 13/08/2013
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