Et rien d'autre - James Salter
Dire que j'ai aimé ce livre ne serait pas exact. Cependant, j'ai été incapable de le lâcher tant l'écriture en est prenante. L'histoire d'un homme qui avance selon sa fantaisie et se retrouve parfois pris à sa propre désinvolture. En tout cas, c'est ainsi que je l'ai perçu. C'est très bien écrit et on ne s'ennuie pas. Mais j'avoue m'être un peu perdue au début à cause des changements, nombreux, de personnages, surtout de femmes.
Une critique trouvé sur www.babelio.com/livres/Salter-Et-rien-dautre/619096
"Démobilisé à la fin de la deuxième guerre mondiale, après avoir servi dans la marine et participé à la bataille d'Okinawa, Philip Bowman arrive à New-York prêt à se lancer dans la vie professionnelle. D'abord tenté par une carrière de journaliste, il déchante très vite devant le manque d'offres d'emploi. C'est finalement la maison d'édition Baum qui lui donne sa chance en l'embauchant comme lecteur, puis directeur de collection. Très heureux dans sa nouvelle vie, il concrétise son bonheur en épousant Vivian, une virginienne issue d'une riche famille de propriétaires terriens. le mariage tourne court, Vivian le quittant sans faire de bruit, énonçant l'évidence : ils n'ont rien en commun. Suivront d'autres femmes, parfois libres, souvent mariées. Il sera aimé, quitté, trahi, il aimera, quittera, trahira. Mais ses liaisons ne seront finalement que de simples péripéties dans une existence bien remplie, faite de voyages en Europe, de rencontres avec les auteurs, les éditeurs, de soirées, de sorties, de week-ends à la campagne."
Un héros désincarné qui, s'il éprouve des sentiments, semble loin de toute passion, des femmes objets toujours belles, les pommettes hautes, le nez long, souvent froides, dont on ne connaît jamais les pensées, du sexe à gogo, une cruelle absence des livres - on évolue tout de même dans le monde de l'édition!..."
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Extrait
Toute la nuit, dans le noir, la mer avait défilé.
Sous le pont, dans leurs lits métalliques étages les uns au-dessus des autres par rangées de six, des centaines d'hommes, silencieux, gisant pour la plupart sur le dos, n'avaient toujours pas trouvé le sommeil alors que le jour allait poindre. Les lampes étaient en veilleuse, les moteurs vrombissaient inlassablement, les ventilateurs brassaient l'air humide : quinze cents soldats, chacun avec des armes et un paquetage assez lourds pour le faire couler à pic, comme une enclume jetée dans l'océan, rien qu'une fraction de l'immense armée en route vers Okinawa, la grande île située à la pointe sud du Japon. En vérité, Okinawa, c'était déjà le Japon, l'archipel en faisait partie, une terre étrange et inconnue. La guerre, qui durait depuis trois ans et demi, était entrée dans sa phase terminale. D'ici une demi-heure, les premiers groupes de soldats formeraient la file d'attente du petit-déjeuner, ils mangeraient debout, épaule contre épaule, l'air grave, sans échanger un mot. Le navire fendait doucement les flots, avec un léger ronronnement. L'acier de la coque grinçait.
Dans le Pacifique, la guerre ne ressemblait pas à ce qu'il se passait ailleurs. Même les distances étaient énormes. Jour après jour, rien que la mer, immense et vide, et puis les noms insolites d'endroits éloignés de plus d'un millier de kilomètres les uns des autres. Cette guerre avait embrasé des îles innombrables, arrachées une à une au contrôle des Japonais. Guadalcanal, qui devint une sorte de mythe. Les îles Salomon, le détroit de Nouvelle-Géorgie, surnommé la Fente. Et l'atoll de Tarawa où les péniches de débarquement se heurtèrent à des récifs éloignés du rivage et où les hommes se firent massacrer par un feu ennemi nourri, aussi dense que des essaims d'abeilles ; l'horreur des plages, les corps gorgés d'eau ballottés par les vagues, tous ces fils de la nation, certains beaux comme des dieux.
Au début les Japonais s'étaient emparés à une vitesse fulgurante de toute la région : les Indes néerlandaises, la Malaisie occidentale, les Philippines. De solides bastions, des forteresses considérées comme imprenables, furent assaillis et passèrent entre leurs mains en quelques jours. Seule contre-attaque notoire : la première bataille de porte-avions au beau milieu du Pacifique, près de Midway, au cours de laquelle quatre bâtiments japonais irremplaçables et leurs contingents de jets et de soldats aguerris furent coulés. Un coup de massue, mais l'ennemi restait implacablement combatif. L'étreinte de la main de fer qui s'était refermée sur le Pacifique allait devoir être desserrée, en brisant avec fracas un os après l'autre.
Les combats, dans la jungle inextricable et la fournaise, étaient sans fin et d'une violence inouïe. Près des rives, après les assauts, les palmiers se dressaient, dénudés tels de hauts poteaux de bois, toutes leurs feuilles emportées par les tirs. Les ennemis étaient de farouches soldats, on s'étonnait des chapiteaux en forme de pagode sur leurs navires de guerre, mais aussi de leur mystérieuse langue sifflante, de leurs corps trapus, et de leur férocité. Jamais ils ne se rendaient. Ils luttaient jusqu'à la mort. Ils exécutaient leurs prisonniers au fil des épées à deux mains qu'ils brandissaient bien haut, et ils ne montraient aucune pitié en cas de victoire, les bras levés dans d'exubérantes manifestations de triomphe.
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